Articles récents de cette rubrique
Dans les autres rubriques
lundi 21 avril 2014 | 16:51 |
La confrontation des analyses des fumées de l’usine d’incinération des déchets de Strasbourg fournies par l’exploitant Sénerval et celles des salariés en lutte semble indiquer à l’autorité de contrôle que les rejets polluants dans l’atmosphère s’avèrent plus importants qu’annoncé.
Un nuage de soupçons flotte bel et bien au-dessus de l’usine d’incinération de Strasbourg. Comme nous l’indiquions dans un article précédant, alertées par les grévistes de l’usine d’incinération d’ordures ménagères de Strasbourg, le préfet du Bas-Rhin a demandé une enquête à la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) au sujet des rejets de polluants dans l’atmosphère. Une réunion tripartite s’est tenue mercredi qui a placé l’exploitant Sénerval sur le grill.
L’entreprise est soupçonnée de manipuler les données
La délégation de la Dreal a demandé à Sénerval de lui expliquer des données transmises à l’organisme public de contrôle. Elle s’est focalisée sur quelques dates, entre fin 2013 et début 2014. La Dreal ne les a pas choisies au hasard. Elle soupçonne Sénerval de manipuler les données. Trois éléments lui paraissent étranges. Le premier concerne la fréquence des interruptions de prise en compte des mesures de la pollution. Sénerval prétend n’avoir pas changé les procédures établies. Cependant, courant 2013, à l’occasion de l’installation d’un nouvel équipement , l’entreprise aurait réduit le temps de prise en compte des mesures de rejets. Deuxième bizarrerie : les rapports mensuels transmis à la Dreal indiquent des arrêts de fours alors qu’ils restent en activité et émettent des polluants. Ces derniers ne sont alors pas comptés dans les statistiques de pollution transmises à la Dreal. Par exemple, pour le 17 décembre 2013, le rapport fourni par Sénerval à la Dreal affirme que le four 3 est à l’arrêt. Mais les données enregistrées par le système de contrôle de production (PCS), et transmises à la Dreal par les grévistes, indiquent le contraire. Or, seules les données du PCS permettent de connaître la réalité de la marche de l’incinérateur. Troisième élément à charge : il arrive que les émissions enregistrées dépassent les normes maximales. Ce même 17 décembre 2013, elles sont plus de deux fois plus élevées que les limites maximales autorisées pour les oxydes d’azote et plus de six fois pour les poussières. Il s’agit là de polluants qui font partie de ceux mesurés en continu, seconde après seconde. On ne sait rien des rejets de polluants qui ne sont mesurés que quelques fois dans l’année. Deux fois dans le cas de la dioxine. Le jeu de questions-réponses auquel se livre la Dreal comporte une leçon : il démontre la vanité du système actuel de contrôle de la pollution des incinérateurs. En effet, si la Dreal doit comparer les rapports transmis par un exploitant avec les données PCS que lui fournissent des grévistes, c’est qu’elle n’a plus foi dans le système en vigueur. C’est tout un édifice de contrôle qui se lézarde et mérite d’être revu.
Les salariés en lutte s’estiment encouragés dans leur combat
Satisfaits du déroulement de la réunion, les grévistes s’estiment encouragés dans leur lutte. « Cette réunion fut très positive. Elle confirme nos craintes », souligne Atef Labben, délégué CGT. La Dreal n’a pas voulu commenter ces informations. S’agissait-il seulement d’une réunion préliminaire ou bien s’en contentera-t-elle pour rédiger un rapport au préfet ? De son côté, Sénerval persiste : « Nous respectons à tout moment les normes de pollution », affirme Henri Petitgand, responsable de la communication. Il s’appuie sur une étude réalisée par Aair Lichens suite à une émission de poussières, le 8 janvier 2014. Il souligne aussi que les examens sanguins réalisés en novembre 2013 par le service de santé au travail pour vérifier le dosage de plomb sont rassurants. Mais Henri Petitgand n’est pas crédible quand il dit n’avoir « aucun élément » au sujet de la réunion de mercredi. Et impossible de discuter avec un membre de Sénerval présent à la réunion.